« 𝗟𝗮 𝗚𝘂𝗲𝗿𝗿𝗲 𝗳𝗿𝗼𝗶𝗱𝗲 : 𝗰𝗼𝗻𝗳𝗹𝗶𝘁 𝗶𝗱é𝗼𝗹𝗼𝗴𝗶𝗾𝘂𝗲, 𝗰𝗼𝗻𝗳𝗹𝗶𝘁 𝗱𝗲 𝗽𝘂𝗶𝘀𝘀𝗮𝗻𝗰𝗲𝘀 »
𝙄𝙉𝙏𝙍𝙊𝘿𝙐𝘾𝙏𝙄𝙊𝙉
𝙋𝙧é𝙨𝙚𝙣𝙩𝙖𝙩𝙞𝙤𝙣 : La Guerre froide désigne la période de l’histoire comprise entre 1947 et 1991, au cours de laquelle le Monde est divisé en deux blocs : d’un côté, le bloc capitaliste allié aux Etats-Unis ; d’un autre côté, le bloc communiste allié à l’URSS. Cette expression, forgée en 1947 par le journaliste américain Walter Lippman, définit la situation de tensions entre les États-Unis et l’URSS dans laquelle chacun des deux Grands tente de prendre l’avantage sur l’autre, tout en évitant de déclencher un conflit armé direct entre eux, mais en impliquant parfois un de leurs alliés. Entre 1947 et 1991, en effet, années respectives du refus du plan Marshall par l’URSS et de l’effondrement de celle-ci après 69 ans d’existence (1922-1991), Washington et Moscou, successivement dotés de l’arme atomique depuis 1945 et 1949, adeptes de la dissuasion nucléaire fondée sur l’équilibre de la terreur, s’intimident sans véritablement s’affronter par crainte d’un anéantissement mutuel.
𝙋𝙧𝙤𝙗𝙡é𝙢𝙖𝙩𝙞𝙦𝙪𝙚 : La Guerre froide se réduit-elle cependant à un conflit de puissances, mettant aux prises deux nations désireuses de dominer le Monde ? N’est-elle pas avant tout un conflit idéologique opposant deux modèles de civilisation incompatibles ?
𝙋𝙡𝙖𝙣. La Guerre froide est un conflit d’une double nature : en premier lieu, un conflit idéologique, opposant le monde capitaliste au monde communiste ; en second lieu, un conflit de puissances, opposant l’armée américaine à l’armée soviétique.
𝗗𝗘𝗩𝗘𝗟𝗢𝗣𝗣𝗘𝗠𝗘𝗡𝗧𝗦
[𝕴] La Guerre froide est un conflit idéologique (politique), dans la mesure où l’enjeu de ce conflit n’est pas seulement la conquête de territoires (conflit de puissances), il est surtout un conflit opposant deux modèles de société : le modèle américain et le modèle soviétique.
[𝓐] Le modèle américain, que la Maison Blanche entend exporter à travers le Monde, après la défaite des dictatures fascistes (1945), est celui de la démocratie libérale : libérale, d’un point de vue politique, au sens où les citoyens américains choisissent librement leurs représentants lors d’élections pluralistes, généralement organisées tous les quatre ans, afin de désigner les politiciens de droite (républicains) ou de gauche (démocrates), qu’ils jugent dignes de siéger, soit à l’échelon régional à la tête de l’un des 50 Etats qui composent les Etats-Unis, soit à l’échelon fédéral dans le cadre du Congrès (Chambre des représentants, Sénat) ou de la présidence à la Maison Blanche ; mais libérale, d’un point de vue économique également, au sens où les citoyens américains sont libres de travailler, d’entreprendre, d’investir, de vendre, d’acheter, bref de s’enrichir, selon les principes de l’économie de marché et du capitalisme. De fait, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le mode de vie américain (American way of life) fait rêver (American dream). Tout y est beau, tout y est moderne, tout y est démesuré et, en plus, tout y est accessible en abondance : les maisons individuelles, les gratte-ciel, les voitures, les routes, les moyens de transport, les télévisions, les lave-linge, les réfrigérateurs, les aspirateurs, les chewing-gums, les jeans. Rien ne manque. Au lendemain de la guerre, tout ce qui vient des États-Unis est à la mode : le cinéma (Hollywood), la musique (Rock’n’Roll), les idoles (Marilyn Monroe), et même les grandes voitures décapotables (Cadillac). L’Amérique, nouvelle « Terre promise », devient le lieu où tout est possible, en particulier celui des ascensions sociales rapides et des fortunes vertigineuses.
[𝕭] Le modèle soviétique, celui que le Kremlin entend imposer au Monde, offre un autre visage. L’URSS, depuis sa naissance officielle en 1922, cinq ans après la révolution bolchevique d’octobre 1917 accomplie par Lénine et Trotski contre l’Empire russe du tsar Nicolas II, incarne, jusqu’en 1991, année de sa disparition, la patrie de la dictature communiste : dictature, d’un point de vue politique, au sens où les camarades soviétiques ne désignent pas eux-mêmes leurs représentants politiques, un droit réservé aux membres du PCUS, ou alors, quand ils participent à des élections sans véritable enjeu à l’échelon local exclusivement, ils n’ont le choix qu’entre des candidats bolcheviques ; communiste, d’un point de vue économique, au sens où la propriété privée est abolie, la liberté d’entreprendre interdite, les prix autoritairement fixés, les profits proscrits, l’enrichissement illégal, prétexte pris que le capitalisme favorise les inégalités entre riches et pauvres, alors que l’Etat communiste, au contraire, en gérant toutes les entreprises, en payant lui-même tous les salariés du pays, prétend supprimer les injustices sociales. Dans les faits, cependant, au-delà des beaux discours, le niveau de vie est très bas. Les pénuries de biens de consommation courante sont fréquentes. Les rayons des magasins sont vides. Les logements sont inconfortables. Le retard est considérable. Cette paupérisation est d’autant plus mal vécue par la population que les inégalités sociales persistent, notamment entre les apparatchiks communistes membres de la nomenklatura qui s’octroient de plus en plus de privilèges (maisons individuelles, voitures personnelles, magasins privés) et le reste de la population qui, pauvre et démoralisée, sombre dans l’alcoolisme.
[𝕮] Comment, dans ces conditions, le Monde a-t-il pu hésiter entre ces deux modèles ? En premier lieu, parce que les Etats-Unis, un rêve pour certains, est aussi un cauchemar pour d’autres (depuis l’assassinat du président Kennedy en 1963, la guerre du Vietnam du président Johnson en 1964, l’affaire du Watergate du président Nixon en 1974), notamment pour ceux qui ne sont ni riches, ni blancs, ni capitalistes, mais pauvres (pas de sécurité sociale, peu de prestations sociales), noirs (Ku Klux Klan, Martin Luther King, Malcolm X) ou communistes (maccarthysme, chasse aux sorcières, époux Rosenberg). En second lieu, parce que l’URSS, un paradis en théorie, un cauchemar en pratique, masque la réalité de sa situation, soit en invoquant de bons sentiments (la paix dans le Monde, la disparition de la pauvreté), soit en recourant à un vocabulaire trompeur (démocraties populaires), soit en censurant l’information (KGB, procès politiques, Goulags), soit en pratiquant la propagande (Pravda), soit en imposant par la force aux pays conquis le modèle communiste (1948, « coup de Prague » en Tchécoslovaquie), soit enfin en entretenant l’illusion de la grandeur (course aux armements, conquête spatiale avec le satellite Spoutnik en 1957 et le cosmonaute Youri Gagarine en 1961).
[𝐓𝐫𝐚𝐧𝐬𝐢𝐭𝐢𝐨𝐧] Démocratie libérale, d’un côté, dictature communiste, de l’autre, tels sont les deux modèles de société proposés au Monde au cours de la Guerre froide. L’un des enjeux du conflit pour les deux supergrands consiste donc à faire passer le plus de territoires (continents, pays) sous leur contrôle afin de faire triompher leur civilisation. Voilà pourquoi la Guerre froide, conflit idéologique, est aussi un conflit de puissances.
[𝕴𝕴] La Guerre froide est un conflit de puissances (conflit militaire), dans la mesure où l’enjeu du conflit, au-delà du triomphe d’une idéologie sur une autre, consiste, pour les Etats-Unis et l’URSS, à faire passer toujours davantage de pays sous leur influence, leur domination ou leur contrôle, parfois de manière pacifique, d’autres fois en recourant à la force. Ce conflit de puissances a vu le jour en Europe, puis il s’est étendu au reste du Monde, avant de mourir à l’endroit même où il était né, au cœur du Vieux Continent.
[𝓐] La Guerre froide naît en Europe à la faveur de deux événements : le premier survenu en 1946, lors du discours de Fulton, au cours duquel Churchill, ancien Premier ministre britannique, dénonce la division de l’Europe en deux camps, le camp américain et le camp soviétique, hermétiquement séparés par un « rideau de fer », au motif que Staline, oublieux des accords de Yalta (1945), a refusé d’organiser des élections dans les pays libérés de la domination nazie par l’Armée rouge ; le second survenu en 1947, lors du refus du plan Marshall par l’URSS et ses Etats satellites, prétexte pris que cette aide économique américaine, au dire des Soviétiques, serait le moyen astucieux pour les Américains de se rendre à la fois indispensables et populaires auprès de tous les peuples européens. En 1948, seule l’Allemagne, partagée depuis 1945 entre les quatre puissances victorieuses, n’a pas choisi son camp. C’est chose faite, toutefois, en 1949, après l’échec du blocus de Berlin entrepris par l’URSS. En 1949, en effet, l’Allemagne, comme l’Europe, est divisée en deux pays distincts : d’un côté, la RFA, capitaliste, située à l’Ouest ; de l’autre, la RDA, communiste, située à l’Est.
[𝕭] Après 1949, l’Europe entièrement partagée entre les deux superpuissances, le reste du Monde devient le terrain de jeu de la Guerre froide. Les Etats-Unis et l’URSS commencent par s’affronter en Asie : la Chine bascule ainsi dans le camp communiste avec la prise de Pékin par Mao, alors que le Japon, ennemi personnel des Etats-Unis depuis l’attaque aérienne de Pearl Harbor (1941), est élevé au rang d’allié afin d’éviter une nouvelle perte territoriale en Asie ; la Corée, en revanche, après trois années de guerre (1950-1953), est partagée entre les deux camps, la Corée du Nord se rangeant derrière l’URSS, la Corée du Sud derrière les Etats-Unis. Au final, la majorité de l’Asie rejoint le bloc de l’Est, une minorité le bloc de l’Ouest. Après l’Europe au cours des années 1940, l’Asie au cours des années 1950, l’Amérique latine, au cours des années 1960, devient le nouveau théâtre des opérations de la Guerre froide. Cependant, à l’exception notable de Cuba, dirigée depuis 1959 par Fidel Castro, allié de l’URSS lors de la fameuse « crise des missiles » (1962), la majorité de l’Amérique latine soutient les Etats-Unis. Parmi ces pays, de nombreuses dictatures militaires anticommunistes, notamment au Brésil et en Argentine, mais surtout au Chili où depuis 1973 le général Pinochet, auteur d’un coup d’Etat soutenu par la CIA, a chassé du pouvoir un président démocratiquement élu depuis 1970, Salvador Allende, trop proche de Moscou. L’Afrique, enfin, après avoir obtenu son indépendance essentiellement au cours des années 1960, devient à son tour, durant les années 1970, l’objet d’une lutte d’influence entre les Etats-Unis et l’URSS : l’Algérie, la Libye, la Guinée, le Bénin, le Congo, l’Angola, l’Ethiopie, l’Ouganda, le Mozambique et Madagascar rejoignent le camp communiste ; la Tunisie, le Soudan, la Tanzanie, la Zambie restent neutres ; tandis que tous les autres, c’est-à-dire la majorité des pays africains, soutiennent le camp occidental. Aucun continent, désormais, ni plus qu’aucun milieu (terre, mer, air, espace) ou secteur (science, sport, cinéma), n’est épargné par la Guerre froide.
[𝕮] Entre 1989 et 1991, cependant, la Guerre froide, née en Europe dans l’immédiat après-guerre, étendue au reste du Monde au cours des décennies suivantes, s’achève sur le territoire qui l’avait vu naître, l’Europe, à la faveur de deux séries d’événements : d’une part, en 1989, lors de l’effondrement des régimes communistes partout en Europe de l’Est ; d’autre part, en 1991, lors de l’implosion de l’URSS elle-même. L’arrivée de Mikhaïl Gorbatchev à la tête du Kremlin en 1985, en effet, la chute du mur de Berlin en 1989, la réunification de l’Allemagne en 1990, la chute de toutes les dictatures communistes européennes entre 1989 et 1991 ne donnent d’autre choix aux dirigeants soviétiques que celui de tirer la leçon de l’histoire, conclue par la faillite du modèle communiste et la réussite du modèle capitaliste. Le 25 décembre 1991, après la retransmission télévisée du discours prononcé par le président Gorbatchev, l’URSS est officiellement dissoute. La Guerre froide est terminée.
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𝗙𝗲𝗿𝗺𝗲𝘁𝘂𝗿𝗲. Entre 1947 et 1991, la Guerre froide a mis aux prises deux pays que tout opposait dans le cadre d’un conflit d’une double nature : conflit idéologique, d’abord, opposant deux modèles de société ; conflit territorial, ensuite, opposant deux superpuissances militaires.
𝗢𝘂𝘃𝗲𝗿𝘁𝘂𝗿𝗲. La victoire du camp des démocraties capitalistes sur celui des dictatures communistes annonce-t-elle la fin de l’Histoire, comme l’affirment certains ? N’annonce-t-elle pas seulement la fin d’un monde et la naissance d’un nouveau sur les ruines de l’ancien ? Un monde dans lequel l’ordre planétaire ne serait plus bipolaire, ni même multipolaire, mais exclusivement unipolaire, c’est-à-dire entièrement gouverné par un seul et même pays : les Etats-Unis d’Amérique, grand vainqueur de la Guerre froide ?
𝗣𝗟𝗔𝗡
I – Un confit idéologique
A – Le modèle américain (en théorie : le rêve pour tous ; en pratique : le cauchemar pour certains)
B – Le modèle soviétique (en théorie : le paradis pour tous ; en pratique : l’enfer pour l’immense majorité)
C – Un monde partagé entre ces deux modèles (américain, soviétique)
II – Un conflit de puissances
A – Le début de la Guerre froide en Europe (années 1940)
B – L’expansion de la Guerre froide au Monde (années 1950 : Asie ; années 1960 : Amérique ; années 1970 : Afrique)
C – 𝓛𝓪 𝓯𝓲𝓷 𝓭𝓮 𝓵𝓪 𝓖𝓾𝓮𝓻𝓻𝓮 𝓯𝓻𝓸𝓲𝓭𝓮 𝓮𝓷 𝓔𝓾𝓻𝓸𝓹𝓮 𝓮𝓽 𝓭𝓪𝓷𝓼 𝓵𝓮 𝓜𝓸𝓷𝓭𝓮 (𝓪𝓷𝓷é𝓮𝓼 1980-1990)
𝑷𝒂𝒓𝒕𝒂𝒈𝒆𝒛 𝒂𝒖𝒕𝒐𝒖𝒓 𝒅𝒆 𝒗𝒐𝒖𝒔